Dans sa genèse même – la conception de la première Maison des Sciences de l’Homme (MSH) par Fernand Braudel –, le principe d’une pluridisciplinarité, propédeutique à une interdisciplinarité, était, grâce à son créateur, au fondement de l’identité spécifique des Maisons des Sciences de l’Homme. C’était donc une évidence que l’interdisciplinarité devienne pour le réseau national des MSH une des composantes de la doctrine dite des cinq « i » : Interdisciplinarité-Interinstitutionnel-International-Identité scientifique-Insertion dans l’environnement culturel, social économique et politique. Cette interdisciplinarité ou ces interdisciplinarité(s) ont été mise(s) en oeuvre suivant des formes diverses tenant à des histoires, à des contextes, à des volontés ou des contraintes spécifiques: favorisée par la présence sur le même lieu de laboratoires ayant des identités disciplinaires différentes ; soutenue par la mise en place de plateformes nationales (les Très Grandes Infrastructures de Recherche, TGIR) et au sein des MSH ; inscrite dans des programmes scientifiques initiés par les MSH elles-mêmes ; stimulées par des appels à projets visant à inciter à ces interdisciplinarité(s)… Les MSH sont ainsi devenues des actrices importantes de ce changement de paradigme des SHS au sens d’une adhésion collective à un changement dans la conception, la conduite et la gestion institutionnelle de la recherche.
L’objectif du présent colloque est tout à la fois de tenter de dresser un bilan de ces expériences concrètes d’interdisciplinarité(s) telles qu’elles sont portées spécifiquement par les MSH et de questionner leurs logiques scientifiques de développement sans ignorer leurs apports et limites. Les MSH ont en effet su créer un espace où peuvent s’exprimer sans réticence les dynamiques de recherche pluridisciplinaire impulsées par les chercheurs engagés dans la constitution de nouvelles approches ou de nouveaux objets scientifiques. Les MSH ont aussi appris à se positionner activement face à des défis locaux et territorialisés traités en référence à des priorités académiques, et en concertation avec des collectivités locales. C’est à partir de cet ancrage spécifique que les MSH se sont engagées dans une interdisciplinarité à la fois épistémologique et opérationnelle, qui s’est inscrite dans leur politique scientifique, leurs logiques institutionnelles,
leurs orientations nationales et internationales. Notre angle d’attaque et point d’entrée pour ce colloque, c’est justement de partir des différentes façons qu’ont les MSH de se confronter concrètement à l’enjeu de l’interdisciplinarité à son double niveau : entre les disciplines de sciences humaines et sociales, mais également avec les autres sciences. Elles le font en cherchant à être actrices d’un positionnement scientifique choisi et assumé, face à ce qui apparaît parfois comme une tentative d’assigner aux SHS un rôle, des missions et des formes de recherche prédéfinies face à des défis que les institutions politiques prétendent – à elles seules – à la fois définir et orienter.
Mais l’objectif de ce présent colloque n’est pas seulement de se livrer à un exercice de réflexivité, il est également d’enrichir ce dernier par une mise en perspective des expériences exceptionnelles de l’interdisciplinarité portées par les MSH avec ce que sont les expériences existantes dans d’autres structures, dans d’autres contextes institutionnels, d’autres cultures, avec ce que sont les conceptions du CNRS, des établissements d’enseignement supérieur ou encore de l’alliance Athéna en la matière, avec ce que sont les débats généraux sur la réalité, les potentialités, les difficultés, les mythes ou les impossibilités de l’interdisciplinarité.
Tel est l’esprit général qui inspire l’organisation de ce colloque et qui détermine son économie générale. Deux grandes séquences le structurent. Une première est tout d’abord consacrée à des ateliers. Ces ateliers présenteront des expériences de mise en place d’une politique d’interdisciplinarité dans des MSH et font l’objet de réflexions et d’échanges. Prenant en compte l’inscription de l’interdisciplinarité dans le projet initial, ils s’attacheront aux possibilités offertes par l’évolution du contexte de leur site académique. Une séance conclusive des ateliers dressera la synthèse de ces ateliers ainsi qu’un dispositif de travail qui serviront de référence à une seconde séquence consacrée à des tables-rondes en séance plénière. Celles-ci seront dédiées à la mise en perspective des expériences de l’interdisciplinarité vécues par les MSH en s’appuyant notamment sur les points principaux soulevés dans les ateliers et en les confrontant à d’autres témoignages de ces pratiques. L’objectif sera ici de traiter tout à la fois des réalités actuelles des interdisciplinarité(s) dans leurs différentes facettes, du pouvoir de définir les interdisciplinarité(s) face aux « défis de société », du choix des dispositifs susceptibles enfin de favoriser l’interdisciplinarité.
Tout au long de son développement, la communauté des MSH a su se constituer une identité scientifique propre. C’est à partir de cet acquis qu’elle se mobilise sur un enjeu actuel majeur : penser et mettre en oeuvre l’interdisciplinarité ou les interdisciplinarités, au service de son avenir, mais aussi pour contribuer à celui des sciences humaines et sociales tout entières.
Colóquios e Conferências
Colóquio Interdisciplinarité(s)
09 / 09 / 2021 - 10 / 09 / 2021
Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, Aix-en-Provence, França
Colóquio Interdisciplinarité(s)
Organização: Réseau National des Maisons des Sciences de l’Homme